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Vivre de sa passion au temps du COVID-19

Dernière mise à jour : 15 déc. 2020



Vivre de sa passion..


Voilà une phrase idiote ! C'est un mythe. Le même fantasme idéologique que celui de croire qu'on peut faire une carrière à coup sûr en gagnant l'émission The Voice.

On ne vit jamais de sa passion. On vit de son business.


A nous de transformer la passion en business.


Il fût un temps où on pouvait croire que écrire des textes et composer des musiques, les donner à un éditeur, et attendre le chèque, était vivre de sa passion. Faux. C'était juste faire faire le business par quelqu'un d'autre. L'éditeur. Pas de business, pas de chèque. Point.


Les premiers musiciens et compositeurs étaient sponsorisés par le clergé ou les princes, ou des mécènes capricieux.

Même le grand Jean Sébastien Bach, considéré comme le plus grand compositeur de tous les temps, devait faire le chef de choeur à Leipzig ou Weimar, donner des cours et réparer les orgues pour faire bouillir la marmite et nourrir ses 20 enfants.

Et quand il harmonisait à 3 voies un passage à l'orgue pendant la messe, le prêtre le regardait de travers, ainsi que les fidèles, et lui demandait de faire plus simple: "Despacitoo ! bordel !"

Je n'ose imaginer ce qu'il pensait à ce moment là.


A partir du moment où la musique profane s'est développée, sous forme de concerts privés, et ensuite avec les premiers enregistrements à la vente, le business est arrivé.

Comment avoir plus de monde, plus d'écoute, plus de ventes, etc...

Et les rois du marketing ont pris la main.


La création en a t'elle souffert ?


Oui bien sûr. Même au début de l'ère marchande.

Voilà qu'une passion, un sentiment impérieux et primal de créer pour exister, une seconde respiration vitale, une obligation nécessaire à sa survie, devient soudain peut être un moyen de subsistance matérielle, moyennant quelques conditions.


Quelles conditions?


D'abord de pouvoir s'adresser à un large public, donc traditionnellement non éduqué musicalement, ce qui implique une simplification de la forme, de l'harmonie, de la mélodie, etc...

Ensuite de respecter certains formats de longueur pour profiter de certains médias, radio, télé, Disque vinyle et CD


Qui n'y aurait pas succombé ?


Les compositeurs classiques et bientôt les jazzmen sont devenus soudain des dinosaures savants réservés à une élite éduquée, alors qu'une foule de nouveaux venus ont compris qu'il n'était pas forcément nécessaire de faire 20 ans de solfège et d'harmonie pour satisfaire un public à leur image.

Ils ont tout balayé. Mais leur nombre les poussait quand même à explorer de nouveaux territoires et de nouveaux sons pour se démarquer. Et aussi donner une place de plus en plus importante au marketing, à l'image et au discours extra-musical.


La même chose est arrivée à la peinture et toutes les autres formes d'art en général.


Pour autant, même dans cette première réduction de la forme musicale, on a assisté à un pic de créativité, vers la fin des années 60 /70 où de nouvelles explorations sonores inédites ont vu le jour. Nouvelle manière d'utiliser les instruments, le rock, la pop, et l'arrivée des synthés.


Nouvelle manière aussi de faire du marketing. Presse people, exploitation de faits divers, provocation, interviews et mise en scène de la vie des artistes, ont contribué à grossir l'audience et le portefeuille des intéressés.


On imaginait pas en 1780, annoncer sur les affiches 2 concerts de Mozart dans une ville, avec le premier sold out, alors qu'il ne jouait en fait que le 2ème jour. C'est ce que faisait le colonel Parker, manager de Elvis Presley à ses débuts.


Les photos de Chopin n'étaient pas lascives, et il ne cassait pas les hôtels devant les journalistes pour la pub.


La drogue n'était pas un argument de vente chez les Jazzmen, par ailleurs très consommateurs.


Jusqu'au milieu des années 80, 97% de la musique était faite par des musiciens.

( je laisse 3% pour les explorateurs électroniques de l'époque, et le début du collage et du rap)

Des gens qui jouaient un instrument, seuls ou en groupe. Même les saucissons pour danser à 3 accords maximum étaient joués par des musiciens, ce qui permettait d'avoir en radio des tubes simples côtoyant des tubes plus sophistiqués harmoniquement.

Dans le disco, à partir de 1977, on pouvait trouver aussi des chansons évoluées harmoniquement, comme les Bee Gees, ou le funk de Kool and the gang par exemple, et les balades de Billy Joel, Chicago, Phil Collins, etc..


Ces gens là vivaient ils de leur passion ?


Pas seulement. Ils ont appris à se vendre. Musicalement et esthétiquement. Soigner le look, l'attitude, le discours, le charisme, l'héroïsme ou l'anti-héroïsme, gérer la présence médiatique, leur exposition ou leur rareté, etc...

Et c'est beaucoup de travail. On estime maintenant que la musique représente seulement 40% du travail pour percer en tant qu'artiste. les 60% restant n'on rien à voir avec ce pourquoi on est passionné, mais concerne uniquement comment emballer le bonbon.


Et Maintenant ?


L'arrivée de l'informatique musicale, de l'internet, et du streaming a rebattu encore une fois les cartes.

La musique urbaine et la musique électronique, et ses acteurs, n'ayant jamais fréquenté les conservatoires, ont encore changé la donne.

Des millions de nouveaux intervenants, ont pu accéder à une forme de création, sans avoir à passer par un apprentissage fastidieux des règles musicales, grâce à l'informatique musicale, dans leur chambre.


D'un côté, c'est bien, parce que pendant ce temps là, ils ne sont pas au café, comme disait ma grand-mère.


D'un autre côté, sans connaissance musicale minimale, les chances de créer quelque chose d'original s'amenuisent, et l'uniformisation des contenus s'accélère, essentiellement sur les médias traditionnels, qui, rappelons-le, n'ont pas pour but d'éduquer le peuple, mais de vendre des chaussettes ou des assurances entre 2 extraits musicaux.


Rajoutons que, avec l'aide de la publicité mensongère des médias, il est admis que faire de la musique est un moyen facile et plaisant de gagner sa vie, plutôt que de poser du placo-plâtre.

Donc, tout un tas de jeunes éphèbes mal informés se lancent la dedans, sans passion particulière, mais parce que c'est plus sexy et lucratif à priori que le reste. Et ça bouche un peu plus les ondes.


Attention !


Je ne dis pas que la créativité a disparu. Il ya toujours des conservatoires plein d'élèves, et des gamins qui achètent des guitares et qui font des groupes.

Et aussi des Dj, et des rappeurs malins et inspirés.

Il ya toujours des pépites à écouter pour peu que l'on se donne la peine de fouiller sur le net.

La rareté à un prix. Il faut chercher ardemment une aiguille dans une botte d'aiguilles pour trouver satisfaction et originalité.


Ce qui soulève donc le problème du début:


Si les médias principaux promotionnent le tout venant, qui est censé rapporter de quoi se nourrir,


Quid de ma création?


Doit-elle ressembler à tout le monde au risque de passer inaperçue comme 90% de la production mainstream ( donc pas de revenus),

ou doit elle se forcer à être plus originale au risque de ne pas passer sur les médias principaux ( donc pas de revenus non plus)


C'est là qu'intervient le business. et le bon sens.

Parce que à partir de maintenant, va falloir sérieusement à penser autre chose que musique.

  • Quelles sont mes capacités créatrices

  • Est ce que je connais assez le business modèle d 'internet

  • Dois je m'entourer

  • Quelle est ma cible de public

  • Jusqu'où je peux aller en terme de construction d'image

  • Quels sont mes points forts et mes points faibles

  • Ai-je assez étudié la concurrence directe

  • Quelle est ma part d'investissement dans ce projet en temps ( et en argent)

  • Combien de temps je me donne pour arriver quelque part

  • Suis je prêt à passer 60% de mon temps à vendre et 40% à faire de la musique

  • Comment puis je agrandir mon réseau

  • Ai-je bien compris ce qui touche le public dans la forme de ce que je propose

  • Fais-je de la musique pour moi ou pour les autres

  • Etc...

Mille autres questions à se poser et à résoudre avant d'envisager un début de travail pour accéder au business de sa passion.

Paradoxalement, une bonne connaissance de l'écosystème internet, permet de se passer pour un temps des circuits de promotion traditionnels et de certaines contraintes, qui du coup augmentent le champ de créativité. ( par exemple, un morceau de 8mn de long est envisageable sur Spotify)


L'arrivée de la COVID19 a encore ajouté une complication au problème.



Exit pour l'instant la production sur scène, les concerts, et donc les revenus s'y rapportant.

Bien sur, toute la chaine est impactée. de l'interprète jusqu'à l'auteur et le compositeur.


Ce qui fragilise les acteurs déjà en place n'est pas réconfortant pour les nouveaux à venir, car les places déjà chères, vont se finir à la machette ( je plaisante, la musique adoucit les meurtres)

Encore une fois, seul les bons business modèles vont pouvoir se faufiler. (Musique à l'image, synchro, concerts virtuels, et toute forme à inventer )

En attendant l'arrivée de l'intelligence artificielle, prochaine révolution musicale, pour le meilleur et le pire


Pour résumer


Vivre = se nourrir = gagner de l'argent = faire du business. Et si c'est avec la musique, tant mieux

Tout le reste n'est que poésie.


Heureusement, on peut vivre sa passion, sans en faire son gagne pain.

Comme Jean Sébastien Bach



Facile à dire pour un type comme moi qui a passé 35 ans dans le show-biz, qui peut en vivre confortablement maintenant me direz-vous.

Certes, Mais à part une proportion non négligeable de karma, pas un instant a passé sans que je me pose les questions de bon sens, à chaque étape de mon parcours. Et les années confortables sont bien inférieures en nombre aux années maigres. Ce qui peut poser la question, de manière franche, sur le bien fondé du choix et du sacrifice consenti pour un parcours.


J'ai eu cette discussion il y a quelques années avec Céline Dion qui me disait que si c'était à refaire, elle se serait volontiers contenté d'une carrière tranquille au Quebec. La conquête des Etats -Unis s'est fait dans la douleur, à chanter chaque jour, dans chaque Wall Mart de chaque ville de province, de chaque état, pendant des années avant la consécration.


Il y a un trou énorme entre l'immense satisfaction que l'on éprouve après avoir fait sortir de ses mains une chanson neuve, et le moment où on retrouve cette satisfaction devant 5000 personnes au Zenith.

Ce trou peut durer des années. Années pendant lesquelles on fait le VRP, pas le créateur.

C'est dans ce trou que l'on trouve les regrets, les remords, les aigris, les malheureux.


A voir...

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