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SERIE: LES ERREURS A NE PAS FAIRE QUAND ON EST ARRANGEUR/REALISATEUR





ERREUR 2



le prêt-à-porter




On a vu dans l'article précédent, le côté dangereux à ne pas avoir une exigence solide mais mesurée dans le degré d'implication et dans le temps pour arranger une oeuvre musicale.

Voici une autre erreur, qui pourrait d'ailleurs sembler aller à l'encontre de la première, parce qu'elle demande beaucoup d'exigence en soi, mais qui est d'un tout autre registre. Je l'ai nommée le prêt-à-porter.

Et cette fois, le problème est un peu différent, que l'on arrange pour soi ou pour d'autres artistes...


1 On arrange, on réalise, et/ou on compose pour un tiers



La première chose dont on s'est assuré, c'est de connaitre à fond le travail antérieur de l'artiste avec lequel on va oeuvrer. S'il est un nouvel artiste en devenir, on va écouter sa voix, ses maquettes, ses reprises s'il n'a pas de production personnelle, lui demander son univers , ses goûts, etc...

Ce qui va nous guider et nous donner des contraintes pour le futur travail.

Si c'est un artiste déjà installé, reconnu, le travail est le même. On va même dans ce cas là redoubler d'attention à ne pas viser à côté de ce qu'il est, pour ne pas le rendre inconfortable et éventuellement se faire virer.

Dans les 2 cas, la tentation première est grande de faire du "prêt-à-porter".

C'est d'ailleurs l'instinct naturel qui nous pousse à ça.

On refait dans le style existant.

Mais la limite est très fine entre faire un arrangement créatif et personnalisé qui "habille" parfaitement la chanson pour l'artiste et refaire une banalité déjà entendue mille fois, sans aucune surprise, dans le style de l'intéressé.

On sait par exemple, qu'on ne va pas aborder une chanson pour Hallyday de la même manière que pour françoise Hardy. Univers très différents, placement de la voix dans l'espace sonore très différent aussi, etc...

On ne mettra pas le volume du beat à la même place dans de l'urbain, ou dans du folk, avec les choix de sons qui s'imposent. ok.


QUELLE EST LA MARGE DE MANOEUVRE ?


C'est là qu'il faut se gratter la tête, si on veut un jour se faire un nom dans la discipline. Oser des trucs, sans effrayer l'artiste. proposer des options. convaincre et être sûr de pouvoir.

Partir sur des bases habituelles, confortables, et imaginer un imprévu, un son particulier, un effet, un renversement, une structure, un instrument, un solo, etc... qui pourra personnaliser la chanson, et la faire sienne un peu.

Ca nécessite 2 choses:


1 Avoir un gros réservoir d'idées dans sa tête, parce qu'on a pas toujours le temps de chercher pendant qu'on enregistre face à l'artiste.


2 Savoir ce qu'il ne faut pas toucher.

C'est à dire la mélodie, la manière de chanter de l'interprète, l'humeur générale de la pièce musicale, et plus globalement, respecter le sens des mots s'il y en a, et le but et la finalité de la chanson pour le public qui va la réceptionner.

Ne nous cachons rien. On y arrive pas à tous les coups. On fait du prêt-à -porter plus souvent que ce que l'on croit.

L'astuce c'est d'arriver à avoir dans le temps une recette à soi, qui fait qu'on est perçu comme quelqu'un ayant "une patte" personnelle, alors qu'il ne s'agit finalement probablement que d'une recette prêt-à -porter dont on a même plus conscience d'appliquer..

Mais on se console en se disant que c'est la notre.



Un exemple vécu:

Je travaille la 1ère fois pour Françoise Hardy. Je dois arranger la chanson "Tant de belles choses".




J'écoute ses réalisations passées, et je suis un peu frustré par la manière dont est traitée la voix. un peu trop "sèche " à mon goût, elle manque de reverb, d'ampleur, de rêverie. Et puis j'entends dans ma tête un solo de guitare Pink Floydien, sur le pont, qui sera magistralement interprété

par mon ami Gildas Arzel. ( je rappelle qu'à l'époque, déjà, les solos ne sont plus à la mode, c'est ringard, etc..)


Et Francoise adore.

Elle défendra cette version becs et ongles, solo de guitare compris, comme premier single de son album, contre la quasi totalité de son staff dans la maison de disque, et de ses compositeurs habituels.

Je ne me suis probablement pas fait que des amis.

Ils essaieront même de proposer une version alternative plus conforme, plus "prêt-à -porter", en titre caché sur le CD, que l'on peut maintenant écouter aussi sur les plateformes de streaming.


Mon option de prod ne nous empêchera pas d'être disque d'or et d'avoir la victoire de la musique interprète de l'année 2005.

Mais je travaillerai ensuite sur 4 albums avec elle, par-ci par-là. J'ai réussi mon examen d'entrée.


J'ai proposé autre chose, sans dénaturer l'essentiel.


j'aurais des tas d'autres exemples avec Jean-Jacques Goldman, où j'ose lui proposer une vielle à roue, des voix bulgares, des séquences techno, des rythmes shuffle, des cornemuses, etc... toujours sans jamais dénaturer l'esprit de ses maquettes..

La chanson "Double enfance" de Julien Clerc était originellement composée au piano, qui est son instrument de prédilection. j'ai proposé de le virer pour le remplacer par guitare et banjo.


Oser proposer des choses, sans tout révolutionner...



2 On arrange, on réalise pour son projet personnel



On se connait bien. Ce que l'on aime, ses limites, ses écueils, ses références.

Mais rien de tout cela nous effleure quand on se met à composer, ou à produire à partir de sa maquette. On étale ses habitudes, comme les chevaux retournent à l'écurie si rien ni personne ne les obligent à faire autre chose.

Face à sa station de travail, on met les doigts sur les accords habituels, les sons habituels, les réglages habituels.

On aimerait plus ou moins aller ailleurs dans la prod, mais faute de méthode et d'opiniatreté, on fait du prêt-à-porter encore.

Parce que là aussi, faute d'avoir développé un gros réservoir d'idées, externe à ses références classiques, on a pas d'autre choix que de refaire ce que l'on sait faire d'habitude.

Et dans ce cas là, si on sent vraiment ( ou bien on nous fait sentir) qu'on a atteint une limite créative, et que l'on veut la dépasser, il n'y a que 2 solutions.


1 Apprendre une méthode pour progresser.


C'est le but d'ailleurs de mes modules de formation


2 Se faire aider par quelqu'un qui a des idées neuves.


Cette option est surtout valable ( et très usitée) par les compositeurs interprètes, mais un peu étrange si on se considère soi-même comme arrangeur réalisateur.

Mais cette réflexion à le mérite de bien dissocier la fonction de créateur de musique, et celle de l'arrangeur réalisateur qui peut avoir une autre vision des choses. Même si tous ces métiers sont faits par la même personne.

Aujourd'hui on fait ses maquettes sur sa station de travail. Ca sonne déjà bien en principe. Qui repart de zéro au moment de la prod ? sauf si c'est du live ou du symphonique, quasiment personne. On continue juste à produire plus proprement.

Et c'est tant mieux, souvent.


Mais qui à l'idée de vraiment repartir à zéro pour casser ses propres codes une fois la chanson écrite?

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