Le compresseur de dynamique, un outil artistique, pour le meilleur ( et pour le pire)
Aujourd’hui j’ai envie de vous parler d’un outil, LE COMPRESSEUR, obscur et redouté par certains, et indispensable pour tous les autres, je veux dire ceux qui s’intéressent au son bien sûr. (J’en ai parlé à mon boulanger…ça ne l’a pas ému.)
Le compresseur…
Alors il y a des tas de vidéos, de tutos sur internet, expliquant le fonctionnement du compresseur, certaines très techniques, un peu illisibles d’autres extrêmement bien faites, claires et précises.
Je ne veux pas aborder le sujet de la même manière. Je voudrais parler histoire, anecdotes de studio, en parler musicalement, organiquement, et avoir un rapport affectif avec le bidule, puisque tôt ou tard, on va être obligé de mettre les mains dessus.
Le compresseur est notre ami.
Et on peut faire des tas de choses sympas avec. Encore faut il savoir gagner son amitié.
Vous avez remarqué qu’on a toujours à disposition un compresseur dans chacune de vos stations de travail, quelle qu’elle soit. Dans Cubase, Pro tools, Logic, Ableton, Final cut, Audacity, etc… tout logiciel qui manipule du son possède un plug in gratuit de compression.
Il y a aussi des plug ins spécialisés et bien sûr du matériel hardware. Pour le prix, ça va du big mac à la Twingo avec options.
Laissons les ingés-sons spécialisés vous expliquer la différence entre un Compresseur VCA, FET, Optique, Vari-Mu, etc… et revenons aux basiques.
C’est quoi un compresseur de dynamique ?
C’est quoi la dynamique dans une pièce musicale ?
La dynamique sonore
définition, c’est le rapport entre le volume max perçu et le volume minimal. En musique, ça s’appelle la nuance. Entre les moments calmes d’une chanson et les moments forts.
Si on écoute de la dance music, au niveau nuance, c’est pauvre, mais ce n’est pas le but.
Si on écoute du classique, c’est différent.
Par ex : Le boléro de Ravel commence pianissimo 𝑝𝑝𝑝 et finit fortissimo 𝑓𝑓𝑓
L’orchestre va donc jouer comme l’a écrit le compositeur et respecter les nuances.
Si on écoute le Boléro en live, dans une salle adaptée, ou au casque dans un endroit tranquille, on va pleinement profiter de ces nuances orchestrales.
Mais si on écoute en voiture, avec le bruit du moteur, le bruit du vent, et Paulo qui ronfle derrière après sa 8ème bière, on risque de ne pas entendre le début du morceau, à moins de monter exagérément le volume de l’autoradio. Auquel cas, quand arrive le fortissimo, les oreilles commencent à saigner, et Paulo vomit sur le siège arrière.
Pour limiter les dégâts, il faudrait inventer un appareil qui réduirait la différence entre les sons faibles et les sons forts. Ben c’est fait ! ça s’appelle un compresseur.
Il va donc augmenter les faibles niveaux et atténuer les forts niveaux et les crêtes.
Il est à noter que le compresseur a été inventé avant l’autoradio.
A partir des années 1950, mais justement pour la radio.
Les gens écoutaient en mono, sur une petite enceinte dans le salon, dans un environnement domestique non contrôlé, et puis ça permettait d’avoir une diffusion plus linéaire via l’émetteur, et plus puissante.
L’histoire d’amour entre Le compresseur et la radio passera à un tout autre niveau dans les années 80 avec la FM, mais on en parlera plus tard.
Donc si je fais une analogie avec de l’eau, le débit irrégulier de mon broc qui verse, représente les nuances en volumes de ma chanson, l’entonnoir représente le compresseur, et on voit à la sortie un débit plus faible mais plus linéaire, plus lissé.
Alors voyons ce qui se passe avec un compresseur réel
Je prends comme exemple le compresseur que l’on trouve dans Logic Audio. J’ai pris celui-ci comme exemple car il a peu de boutons. Les 3 essentiels pour démarrer.
Le Threshold, le SEUIL en français, qui détermine à partir que quel volume on va compresser
Le Ratio, le TAUX, en français, qui détermine de combien on va écraser le son
1 ratio de 1 veut dire aucune compression. 1 ratio de 4 :1 veut dire que le volume sera divisé par 4 au-dessus du seuil.
Enfin le Make up, la compensation audio, pour remonter le volume perdu lors de la compression.
Que se passe t’il lorsque le son passe à travers le compresseur ?
Ben rien. Tant qu’on n’a pas défini un seuil de travail et un taux de compression.
Ensuite on règle un seuil, par exemple -20dB.
Ce qui veut dire que tout ce qui sera au-dessus du seuil sera compressé. Bien sûr, aucun effet tant que le taux est réglé sur 1.
Si ensuite on règle un taux de 4 :1 la compression va agir, réduisant le volume par 4 au-dessus du seuil.
Si on met un taux infini, à fond, on transforme son compresseur en limiteur. Plus rien ne passe au-dessus du seuil.
Enfin on Augmente le make up pour retrouver un volume identique au volume d’entrée et compenser la perte due à la compression.
Avant d’aller plus loin, la question que l’on peut se poser, c’est:
Quelle est l’utilité d’un compresseur en studio ?
Je vais vous donner 2 exemples où ça peut vous sauver la vie.
1er exemple
Imaginez que vous enregistrez une chanteuse comme C Dion, ou Maurane, ou Anggun
Ou un chanteur comme Aznavour, Garou, Pagny, etc. je prends des exemples d’artistes francophones avec qui j’ai travaillé mais idem avec des étrangers.
Que font ces gens ? ils ont l’habitude de chanter dans un micro. Ils savent gérer la distance entre la bouche et le micro, s’en rapprocher quand ils chantent doux et s’éloigner quand ils poussent un peu fort. Avec un réglage moyen de gain d’entrée du micro vous vous en sortez très bien.
Imaginez Paulo qui vient chanter. Il a 2 grammes dans la tête, il tient debout parce que sa tête est appuyée sur le micro. Il se met à marmonner doucement dans le micro. Vous montez le gain pour entendre, et d’un coup il se met à hurler. Vous vous précipitez sur le bouton de gain pour baisser le niveau, mais il a recommencé à marmonner, alors vous retournez monter le gain. Et comme vous ne connaissez pas le morceau, ça recommence. Et vous avez toujours ¼ d’heure de retard sur le réglage du gain.
Et puis Paulo va se coucher, et le producteur demande à écouter la prise de voix.
Et là à chaque intro du refrain c’est saturé, et chaque intro de couplet on n’entend rien.
Et là il te dit : « Ça te plait de faire du son Benzi ? t’as pas pensé plutôt faire une carrière dans la restauration rapide ? »
Et là tu te dis : « flûte, j’aurais dû mettre un compresseur sur la piste, j’aurais atténué le problème »
2eme exemple
Aujourd’hui on enregistre une batterie. Cool ! c’est qui le batteur ?
C’est Paulo ! ah super, Paulo ! il est le champion du monde pour faire tourner les baguettes,
Il est super en place, il a mangé un métronome quand il était petit, il joue à l’envers, à l’endroit, en 6/8, 7/8, 11/4, super !
Bon, Il a qu’un défaut : il frappe comme un poulet. Un coup il frappe bien au milieu de la caisse claire, avec le rebord de caisse, paf ! celui d’après il joue plus haut ou plus bas, ou sans le rebord, clounk ! Ya pas un coup de caisse claire qui se ressemble.
Je suis en train de faire un cover de Beat it de Michael Jackson, j’ai besoin d’une frappe régulière.
Et là, le compresseur est mon ami. Un ratio élevé, une attaque courte, et je vais linéariser les frappes de Paulo en volume. Idem pour la grosse caisse. Et pour les cymbales et les toms, je vais compresser avec un long release, pour faire durer les résonnances…
Et là on voit que je suis passé du coté réparation sonore au coté création artistique, avec 2 nouveaux réglages que l’on trouve sur les compresseurs : l’attaque et le release.
Voyons à quoi ça ressemble
La plupart des compresseurs possèdent ces 2 réglages
et même quand l’attaque n’existe pas,
Comme le FAIRCHILD par exemple, c’est qu’elle est réglée automatiquement.
Si on reprend le compresseur de Logic audio, on voit les 2 boutons attack et release
L’attaque c’est quoi ? C’est ce qui permet de régler le temps de mise en marche de la compression. Attaque rapide pour linéariser les sons percussifs par exemple, attaque plus lente pour harmoniser la dynamique d’un mix, etc…
Et le release, c’est ce qui permet de régler le temps que dure la compression avant le relâchement. Release court sur les transitoires, ou long pour remonter les harmoniques des résonances, etc…
Tout cela, bien sûr, c’est de la littérature. Si on veut bien régler un compresseur, il faut le faire avec ses oreilles. Faut expérimenter. Encore une fois, vous avez de nombreux exemples en ligne pour cela.
Pour ceux que ça intéresse, je suis en train de réfléchir à créer un module master class spécialement dédié au compresseur, pas à pas, avec exemples en studio et exercices, pour explorer toutes les situations créatives dans lesquelles on peut utiliser la bête. Si ça vous semble utile, n’hésitez pas à me le dire sur le forum et dans les commentaires, et je peaufine le truc.
En attendant, si je vous ai parlé tout ce temps, c’est pour vous faire voir que cet outil a une place centrale dans la manière dont on écoute la musique.
Je vais vous en parler encore à travers 2 exemples
Notez que j’ai encore parlé de créativité et non de réparer des problèmes liés à la prise de son.
Le 1er exemple
c’est le cas d’une chanson de type ballade, magistralement interprétée par
Une voix incroyable, de type ADELE, ou Whitney Houston. On va régler le compresseur de manière à remonter la proximité, l’intimité de la voix, qui est captée très près, avec un micro large diaphragme, pour nous faire des frissons dans le dos à chaque syllabe. Avec une attaque et un release moyen, on va utiliser un compresseur à lampes, pour une légère coloration organique, avec un réglage qui permet de remonter toutes les petites subtilités de la gorge, de type graillon, voix cassée, respiration, etc...
C’est juste beau...
Le compresseur est notre ami dans ce cas-là. Il va « gluer » en quelque sorte l’interprétation en réduisant la dynamique de manière subtile. C’est créatif, car ce son-là ne peut pas exister dans le monde réel. Ou alors il faudrait que Céline Dion vous chante directement à l’oreille.
Attention toutefois. Le compresseur a un petit cerveau. Il ne comprend pas la notion de « remonter le niveau du chuchotement de la voix ». Il remonte tout. Pour paraphraser le sketch des Inconnus : « On me dit de le faire moins fort, je le fais moins fort. On me dit de le faire plus fort, je le fais plus fort. »
Ça veut dire que pendant que Adèle chante « Hello » Si Paulo tire la chasse et qu’il a oublié de fermer la porte au fond du studio, le compresseur va remonter tout le son, et on aura un magnifique bruit aquatique sur le couplet.
Plus sérieusement, on va aussi remonter le bruit de la respiration, le bruit des doigts qui glissent sur les cordes, le bruit de l’archet sur le violon, etc...
La respiration avant le chant, ça peut se gérer très bien après coup, le bruit des doigts, de la chasse, ou du voisin du dessus, c’est plus compliqué, si c’est en même temps que l’instrument ou la voix.
Le 2eme exemple
de créativité fortuite, c’est le cas de la FM. La radio à modulation de fréquence.
Je dis fortuite, vous allez comprendre...
Parce que c'est presque un chapitre à part entière,
La suite dans le post suivant..
Très sympa comme capsule ça fait toujours du bien de se remettre quelques bases en tête même si l'on a l'habitude de travailler avec ce genre d'outil. J'aime beaucoup aussi ton approche moins technique.